Marchés financiers au fil du temps - Evolution dans le domaine du numérique: état des lieux et perspectives d'avenir

Andréa M. Maechler, membre de la Direction générale

Apéritif "Marché monétaire", Zurich, 05.04.2018

Le public et l'industrie financière se préoccupent fortement de la fintech, de la DLT et des cryptomonnaies. Les monnaies privées de substitution ne sont pourtant pas un phénomène nouveau. Aujourd'hui, à l'ère numérique, il suffit de quelques clics de souris pour créer de telles monnaies. Mais les cryptomonnaies ne possèdent pas pour autant les propriétés de l'argent.

Il est important de faire la distinction entre les cryptomonnaies utilisées comme instrument de placement et la technologie qui les sous-tend. La technologie des registres distribués (DLT), sur laquelle reposent les cryptomonnaies, recèle un potentiel certain dans différents domaines de l'économie. La DLT est ainsi considérée comme une innovation majeure du domaine de la fintech.

La DLT a aussi une incidence sur un pan important du système financier, à savoir l'infrastructure des marchés. Comme la BNS a notamment pour tâche légale de faciliter et d'assurer le bon fonctionnement des systèmes de paiement sans numéraire et qu'elle est tributaire d'une infrastructure des marchés financiers sûre et efficace, elle observe et accompagne systématiquement l'évolution de la situation. La BNS est favorable aux innovations susceptibles d'accroître l'efficacité. Ce critère ne saurait cependant être le seul à entrer en ligne de compte. En sa qualité de banque centrale, la BNS doit aussi garder à l'esprit qu'il existe des risques. Cela vaut tout spécialement pour les parties de l'infrastructure des marchés financiers qui revêtent une importance systémique pour la Suisse. La BNS fixe à cet égard les exigences les plus rigoureuses en termes de sécurité.

Il convient toujours de disposer d'un instrument de paiement fiable afin d'éviter les risques liés aux paiements dans un domaine revêtant une telle importance systémique. Pour cette raison, les paiements de gros montants qui nécessitent un traitement rapide sont aujourd'hui généralement réglés en monnaie centrale et via les systèmes de paiement des instituts d'émission. Les banques centrales sont ainsi les garantes d'un fondement fiable pour l'infrastructure. Il n'est pas encore possible de déterminer si la DLT pourra à l'avenir aussi être utilisée dans ce domaine. Si elle devait réussir à s'imposer dans le règlement des opérations sur titres, il faudrait s'interroger sur la coexistence des systèmes basés sur la DLT et des systèmes de paiement conventionnels des banques centrales.

Les technologies et solutions appelées à s'imposer autour du fondement fiable doivent toutefois en principe être laissées à l'appréciation du marché. Cette répartition des tâches correspond à notre système financier actuel à deux niveaux. Ce dernier contribue à la stabilité systémique et offre une flexibilité suffisante pour permettre l'innovation.

Mais la fintech ne se restreint bien sûr pas à la seule DLT. Afin de satisfaire les besoins sans cesse changeants de la clientèle, les entreprises de la fintech et les banques s'attachent constamment à élaborer de nouvelles solutions. L'un des principaux domaines de la fintech est le trafic des paiements de détails. La BNS suivra attentivement l'évolution de la situation afin de pouvoir en évaluer, en tout temps et dans un délai utile, les effets sur le système financier.

A l'heure actuelle, la question d'une "monnaie numérique de banque centrale à l'usage du grand public" soulève une discussion sur le rôle plus important que devrait jouer la banque centrale dans le secteur de la clientèle finale. La BNS n'est pas favorable à cette idée. Pour être efficace, le trafic des paiements sans numéraire n'a pas besoin d'une monnaie numérique de banque centrale à l'usage du grand public. Les avantages en seraient faibles, et les risques dans le domaine de la stabilité financière, incalculables.