L'euro rendra-t-il le franc suisse superflu?
Résumé
L'Union monétaire européenne apporte de nombreux avantages à ses membres: coûts de transaction bas, transparence plus grande, efficacité accrue. Mais elle a aussi pour eux des inconvénients, en particulier la perte de l'indépendance monétaire. En effet, il n'y a aujourd'hui plus qu'une seule politique monétaire pour toute la zone euro: «Une taille unique pour tous». En cas de chocs asymétriques, il pourrait en résulter des difficultés. Les ajustements nécessaires, qui passaient autrefois par les cours de change ou les taux d'intérêt d'un pays, doivent maintenant s'opérer forcément par les prix et les salaires, ainsi que par des variables réelles.
A bien des égards, la Suisse tire le meilleur sur tous les tableaux. Elle bénéficiera de nombreux avantages que l'euro laisse espérer, sans pour autant que son autonomie en soit fortement restreinte. La vie deviendra plus simple pour les Suisses qui voyagent en Europe et commercent avec l'Europe. Ils profiteront de la simplicité et de la transparence régnant en Europe, mais aussi de conditions monétaires plus stables sur le continent. La Suisse gardera néanmoins un atout précieux, à savoir la possibilité de mener une politique monétaire autonome.
Le risque de voir l'euro devenir une véritable monnaie parallèle en Suisse est faible. Certes, l'euro circule déjà en Suisse et continuera à y circuler dans une mesure restreinte; comme les monnaies nationales auxquelles il a succédé, il sera davantage présent dans les zones frontières et dans les régions touristiques. Mais les touristes étrangers visitant la Suisse auront avantage à recourir au franc ou à des cartes de crédit. En Suisse, les salaires, les loyers et les impôts continueront à être payés en francs. En outre, les virements bancaires et postaux resteront plus faciles et moins onéreux en francs qu'en monnaies étrangères.
Amarrer le franc à l'euro n'apporterait aucun avantage. Si le franc était rattaché à l'euro, la relation de change entre ces deux monnaies serait fixe en termes nominaux, mais le franc continuerait à se revaloriser en termes réels avec le temps. Cette revalorisation se ferait tout simplement sous forme d'une inflation plus forte en Suisse, ce qui serait incompatible avec l'objectif de la Banque nationale suisse (BNS), à savoir la stabilité des prix. De surcroît, la Suisse perdrait l'avantage que lui donnent des taux d'intérêt plus bas qu'à l'étranger, et la BNS ne pourrait plus mener une politique monétaire en fonction des besoins du pays.
Tant que la BNS mènera une politique monétaire autonome, le franc suisse restera une monnaie sûre et solide, qui conservera aussi son attrait en tant que possibilité de diversification pour les détenteurs de portefeuilles internationaux. Le franc est un plus pour la place financière suisse. Il représente un produit qui connaît un beau succès et continuera à suivre sa propre voie.