La politique monétaire de la BNS sous de nouveaux auspices?
Résumé
Après la suppression du cours plancher par la Banque nationale suisse (BNS) en janvier dernier, le franc s'est fortement apprécié. De plus, le taux d'intérêt négatif que la BNS applique depuis lors aux avoirs en comptes de virement a entraîné une nouvelle diminution des taux d'intérêt sur les marchés monétaire et des capitaux, qui ont passé par moments en zone négative. Les taux hypothécaires, par contre, ont même légèrement augmenté. De prime abord, il semble que ces développements placent fondamentalement l'économie suisse et la politique monétaire sous de nouveaux auspices.
Il ne fait aucun doute que de nombreuses entreprises et exploitations pâtissent de la force du franc. L'appréciation de notre monnaie depuis 2007 relègue même dans l'ombre les chocs que celle-ci a connus au cours des décennies précédentes. La fermeté du franc ne justifie toutefois pas à elle seule que l'on parle d'une ère nouvelle pour la Suisse. En outre, l'évolution de la situation économique à l'étranger est encore plus déterminante, pour les exportateurs, que le cours du franc. La BNS s'attend à ce que la conjoncture mondiale continue à progresser modérément, soutenue par la politique monétaire expansionniste et la baisse des prix des produits pétroliers. Il devrait en résulter une atténuation des répercussions négatives de la force du franc sur l'économie suisse.
Depuis l'introduction du taux d'intérêt négatif par la BNS, de nombreux taux en vigueur sur le marché monétaire et des capitaux sont précédés du signe moins. Toutefois, pour le franc, les taux d'intérêt en Suisse ne sont pas déterminants en valeur absolue, mais en valeur relative; l'écart entre les taux d'intérêt en Suisse et à l'étranger fait la différence. L'introduction du taux d'intérêt négatif a donc contribué à un retour à la normale, l'écart traditionnel entre les taux d'intérêt en Suisse et à l'étranger s'étant de nouveau creusé. Cet écart avait presque complètement disparu du fait que les banques centrales de la plupart des pays industrialisés avaient ramené leurs taux directeurs à un niveau proche de zéro. L'écart d'intérêt rend le franc moins attrayant pour les investisseurs. Le taux d'intérêt négatif contribue ainsi, tout comme la disposition de la BNS à intervenir au besoin sur le marché des changes, à un nouvel affaiblissement du franc. De la sorte, la politique monétaire actuelle prend en compte la situation difficile à laquelle l'économie suisse doit faire face.
Même si les taux hypothécaires ont légèrement augmenté, les taux d'intérêt négatifs ne permettent pas de corriger les déséquilibres sur les marchés hypothécaire et immobilier en Suisse. Au contraire, le niveau actuellement bas des taux d'intérêt pourrait même accroître les risques pour la stabilité financière. Le niveau très bas des taux d'intérêt pourrait en effet inciter les investisseurs à effectuer davantage de placements immobiliers, ce qui entraînerait en particulier une hausse des prix dans le segment des objets de rendement locatif. Par ailleurs, les banques octroient des crédits à long terme afin de contrer l'érosion de leurs marges; elles augmentent ainsi l'asymétrie des échéances et, partant, le risque de taux d'intérêt dans leurs bilans. Enfin, dans un contexte de taux d'intérêt bas, les prestataires du secteur non bancaire pourraient accroître la concurrence sur le marché hypothécaire, ce qui affecterait les marges, les bénéfices et, en fin de compte, les fonds propres des banques.