Le système bancaire suisse dix ans après la tempête: quelle est sa capacité de résistance?
Résumé
La crise financière a démontré que des risques particuliers proviennent des grandes banques qui présentent de fortes interdépendances. Les établissements bancaires fournissent à l'économie des prestations indispensables. Or en cas de défaillance d'un établissement dit d'importance systémique, leurs prestations ne peuvent pas être fournies dans un délai raisonnable par d'autres banques. Comme de tels établissements ne peuvent pas non plus aisément sortir du marché en cas de crise, ils bénéficient d'une garantie implicite de l'Etat: on parle alors de banques "too big to fail" (TBTF).
Cette garantie implicite crée des incitations inopportunes: les actionnaires et la direction des banques concernées sont ainsi amenés à prendre des risques accrus alors que rien n'est fait pour encourager les créanciers à éviter une telle situation. En conséquence, la nécessité pour l'Etat de procéder au sauvetage augmente, ce qui peut entraîner des coûts imprévus qui, dans le pire des cas, mettent à mal ses capacités financières.
En Suisse, la problématique TBTF est particulièrement marquée, ce qui s'explique non seulement par le poids des deux grandes banques, mais aussi par la taille des établissements d'importance systémique axés sur le marché intérieur.
En Suisse également, la crise financière a ainsi révélé que le législateur et les instances de réglementation et de surveillance n'avaient pas traité assez énergiquement ce problème. Ils avaient sous-estimé les risques pris par les banques dont la taille et les interdépendances mondiales avec d'autres établissements n'ont cessé de croître.
Après la crise, un consensus sur la nécessité de réviser fondamentalement le cadre réglementaire s'est rapidement formé. Ainsi, différentes mesures ont depuis été prises au niveau international en vue de renforcer la résilience des banques et d'atténuer la problématique TBTF. A cet égard, l'approche réglementaire suisse se trouve en phase avec celle suivie sur le plan international. Elle repose sur deux piliers complémentaires: d'un côté, elle renforce la résilience des banques et, de l'autre, elle permet l'assainissement et la liquidation ordonnée d'un établissement d'importance systémique en cas de crise.
L'approche réglementaire suisse cible donc les causes principales de la problématique TBTF. Dans le même temps, elle s'avère efficace en termes de coûts tant pour le calibrage des exigences de fonds propres que pour le choix des mesures spécifiques de réglementations; elle n'intervient notamment pas activement dans le modèle d'affaires et dans la structure organisationnelle des banques. Elle contribue ainsi aux conditions-cadres favorables qui caractérisent généralement la Suisse et qui constituent une condition essentielle pour le succès du secteur bancaire.
La mise en oeuvre des mesures prévues est globalement bien avancée. En conséquence, la capacité de résistance aux crises des grandes banques suisses est aujourd'hui bien meilleure qu'elle ne l'était avant la crise financière. L'objectif n'est toutefois pas encore tout à fait atteint, car la résolution de la problématique TBTF dépend de la mise en oeuvre de l'ensemble des mesures.